AUTOBIOGRAPHIE 1928
Je suis né à Bologne en 1890.
Dès mon enfance, j'ai montré une grande passion pour la peinture, passion qui, avec les années, est devenue de plus en plus forte, au point de me faire ressentir le besoin de m'y consacrer entièrement. Ces idées n'étaient toutefois pas partagées par mon père. Lui, dévoué au commerce, aurait préféré que je suive ses traces et n'a épargné aucun moyen pour me plier à sa volonté; en bon père, il voyait la voie de l'art incertaine et difficile et était préoccupé pour mon avenir.
Mais voyant que toute tentative de me détourner de mon idée échouait et sous la forte pression de ma
mère, il finit par permettre que je m'inscrive à l'Académie des Beaux-Arts de Bologne. Ce fut pour moi une immense joie, malheureusement bientôt assombrie par la mort prématurée de mon père. Je restai à dix-huit ans avec ma mère et trois petites sœurs plus jeunes que moi. Dans ce moment difficile de ma vie, je dois à la sagesse de ma mère, qui a toujours eu une grande confiance en ma vocation, de m'avoir permis de continuer mes études. De mon séjour à l'Académie des Beaux-Arts, je dois dire, en vérité, que les enseignements dispensés n'ont eu pour effet que de mettre mon esprit dans un état de profond malaise. Très peu de ce qui me sert maintenant dans mon art y fut appris.
Dès le temps où j'étais inscrit aux cours, j'écoutais avec enthousiasme et intérêt le verbe démolir des futuristes : l'orientation picturale de l'Italie de l'époque me paraissait trop plate et encombrante. Moi aussi, comme tant d'autres jeunes de bonne volonté, je ressentais la nécessité d'un renouvellement total de l'atmosphère artistique italienne. Cette adhésion initiale n'alla pas plus loin qu'une participation à la première exposition des "Jeunes Futuristes" chez Sprovieri à Rome. Je me rendis compte que, encore moins que les anciennes, les nouvelles idées esthétiques ne répondaient aux exigences de mon esprit. Je sentis que seule la compréhension de ce que la peinture avait produit de plus vital au cours des siècles passés pourrait me guider pour trouver ma voie. Ces études, qui, je ne le cache pas, me firent aussi tomber dans de nouvelles erreurs, me furent surtout bénéfiques car elles m'ont conduit à considérer avec quelle sincérité et simplicité les anciens maîtres opéraient, s'inspirant constamment de la réalité, d'où émanait ce profond charme poétique de leurs œuvres, et que des plus anciens aux plus modernes, ceux qui ne s'étaient pas éloignés de ces principes avaient produit des œuvres vivantes et pleines de poésie. Cela me fit comprendre la nécessité de me laisser entièrement guider par mon instinct, en faisant confiance à mes forces et en oubliant, dans mon travail, tout concept stylistique préformé. De tout le tourment de mon adolescence et de ma jeunesse, ce fut l'enseignement le meilleur et le plus sûr que j'ai retiré. Ces petites vérités ont été tellement obscurcies par le désordre esthétique et l'ignorance qu'il ne nous était pas moins difficile, à nous jeunes, de les retrouver. Je sais combien l'objectif que je perçois est encore lointain et difficile à atteindre, mais je suis soutenu par la certitude que le chemin que je parcours est le bon. Je ne renie rien de mon passé car je n'ai rien à cacher de superflu; la conscience m'a toujours guidé dans mon travail et il est réconfortant de constater que dans toutes mes tentatives, même dans celles des moments de plus grande hésitation, ma personnalité a toujours réussi à émerger.
J'ai toujours vécu en Italie. Parmi les villes visitées pour étudier mon art, celle qui m'attire le plus est Florence où je retrouve les plus grands et où je compte des amis avec lesquels j'ai une certaine affinité spirituelle. Parmi les peintres anciens, les Toscans sont ceux qui m'intéressent le plus : Giotto et Masaccio avant tout. Parmi les modernes, je considère Corot, Courbet, Fattori et Cézanne comme les héritiers les plus légitimes de la glorieuse tradition italienne. Parmi les peintres de notre époque qui ont contribué à ma formation, je me souviens de Carlo Carrà et Ardengo Soffici ; leurs œuvres et leurs écrits ont, à mon avis, exercé une influence bénéfique sur l'orientation de l'art italien d'aujourd'hui. J'ai rarement participé aux expositions. Je citerai la "Sécession" de 1914 à Rome, les expositions répétées dans les principaux centres artistiques allemands organisées par Mario Broglio, la "Printanière florentine", la "Première Exposition du '900 Italien" à Milan, la récente du "Selvaggio" et l'Internationale de la gravure moderne, toutes deux à Florence en 1927. [...] J'ai collaboré aux revues d'art de cette dernière décennie. J'ai été particulièrement actif dans "Valori Plastici" et "Selvaggio". Des articles et des études critiques sur mon œuvre ont été écrits par Riccardo Bacchelli, Carlo Carrà, Achille Lega, Giuseppe Raimondi et d'autres. Cette année, j'ai reçu l'invitation à participer en tant que graveur à la Biennale de Venise. En plus de l'art, je me consacre à l'enseignement du dessin dans les écoles de cette commune. [...] Pour des raisons d'art et de tempérament, j'incline à la solitude ; cela ne provient ni d'une vanité ni d'un manque de solidarité avec tous les hommes de ma même foi.»
Depuis avant sa fondation en 1978, la Galleria d'Arte Maggiore g.a.m. a construit une relation et une collection solides de l'art de Giorgio Morandi, devenant au fil des ans la référence la plus autoritaire sur l'œuvre de Morandi sur le marché et participant également à la promotion culturelle de son art à travers des collaborations sur les expositions dédiées au Maître dans les plus importantes institutions du monde, parmi lesquelles : Tate Modern (Londres, 2000), Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris (2001), Metropolitan Museum (New York, 2008), Museum of Palazzo Fortuny (Venise, 2010-2011),
Estorick Collection of Modern Italian Art (Londres, 2013).